Un jour d’été (ou comment l’histoire a commencé)

Elle était née au petit matin d’un jour d’été, bien après l’heure, comme avant elle ses deux grandes sœurs.

Elle avait pris son temps, au creux de moi, déjà elle montrait cette façon d’être si particulière, tellement calme et discrète.

Sa naissance fut pourtant tout le contraire, violente et rapide, entre un ascenseur et une table d’accouchement encore embarrassée d’une naissance précédente.

Mais cette violence venait certainement de mon corps, de Dame Nature, enfin décidée à aider ma douce à voir le jour, car à peine née, toujours fripée, Perle restait calme et silencieuse, très vite souriante et charmante.

Et pourtant, dieu que je l’avais trouvée laide, ces premiers jours, rose vif, trop grande, trop grosse. Mon corps et mon cœur malmenés par une fin de grossesse épuisante, je l’observais, la scrutais, de ses cheveux blonds aux plis de son corps potelé, pour tenter de l’apprivoiser, de me l’approprier.

Je n’imaginais pas à cet instant l’osmose et la complicité qui allaient nous lier, moi, mère débordée et celle que j’allais très vite appelée mon Doux, mon Tendre, mon Incroyable Amour.

Entourée de grandes sœurs volubiles, Perle se faisait souvent oublier, toujours immobile et sereine, déjà elle se créait une bulle rien qu’à elle, d’où elle observait ce drôle de monde, elle regardait vivre sans trop s’en mêler, de loin, sans bruit.

Et toujours, elle portait ce sourire merveilleux, qui partait de sa bouche perlée pour éclater dans ses grands yeux bleu océan.

Gravé au fond de mon âme, je garderai le souvenir de ses étreintes matinales, quand enfin sa sœur aînée avait pris le chemin de l’école et que je venais la lever. Chaque matin, sans faillir, elle m’attendait, sûrement réveillée depuis longtemps, souriante et paisible. Et chaque matin, elle me tendait les bras, se nichait au creux de mon cou, et me serrait fort, fort de ses petits bras blonds.

Oh mon Amour ! Je ressens encore aujourd’hui ton étreinte tendre, l’amour perle au bord de mes yeux et mon cœur chavire encore, tant d’années après.

Qui aurait pu deviner, en ces temps bénis, que ma douce petite fille allait subir le pire, et tellement détester ce monde …

Dans ma peau, dans mes tripes.

Très tôt, l’envie a été là. Elle m’a broyé les tripes quand les autres petites filles de mon âge ne pensaient que marelle et corde à sauter. Elle m’a obsédée quand j’aurais dû ne penser qu’à battre la campagne de mes semelles usées.
Elle se rappelait à moi par surprise, lorsque je croyais l’avoir enfouie. Surgissant sans prévenir, au détour d’une odeur, au contact d’une peau.
Plus mon âge avançait, plus ce besoin se faisait impérieux et lancinant. A me clouer de douleur l’année de mes 13 ans. A l’aube de mon adolescence, à peine consciente de ce que pouvait être la féminité, déjà je me tendais toute entière vers cette obsession.

Etre mère.
Me sentir pleine, là, juste au creux de mes entrailles. Juste ici, dans ce vide absolu qui hurlait chaque heure du jour et de la nuit.
Mon corps et ma tête ne savaient que réclamer ce que je ne comprenais pas vraiment bien, moi, la petite adolescente complexée et dépressive.

Etre mère. Donner la vie. M’emplir de cet amour inconditionnel pour un être créé de ma chair et de mon sang. Transmettre mon âme et mon cœur.

Etre mère. Mais l’être vraiment, pleinement, consciemment. J’ai su attendre, encore et encore. Alors que l’occasion maintes fois s’est présentée de me « reproduire », au détour d’une relation éphémère ou stérile. Ne pas me précipiter. Attendre. Espérer. Qu’arrive celui qui saurait créer avec moi cet enfant tant désiré.

Etre mère.

Il y a 16 ans exactement, le 9 septembre 1998 à 10h12, je devenais Mère. Maman.
Il y a 16 ans jour pour jour, je découvrais ses grands yeux bleus, je me shootais dans les plis de son cou, je comblais le vide dans mes bras.
Mon ventre se reposait enfin, comblé de 9 mois à porter ce morceau de mon âme.

Il y a 16 ans jour pour jour, je faisais d’un homme un Père. Un Papa. Un homme bien jeune, qui fêtait ce jour-là ses frêles 17 ans. Un adolescent fragile mais sûr. Inconscient mais aimant. Tendre et protecteur. Qui a su, dans ses bras d’enfant, consoler, porter et soutenir notre fille, la consécration de notre amour.

Il y a 16 ans jour pour jour, naissait une toute petite fille blonde, silencieuse et tranquille. Une petite fille qui allait se révéler encore plus merveilleuse que jamais je n’aurais pu l’imaginer. Une enfant au caractère fort et assuré, aux sentiments exacerbés et intenses. A l’intelligence rare et à l’énergie inépuisable.

Une enfant qui a aujourd’hui 16 ans. Qui n’a plus rien d’une enfant. Une merveilleuse jeune femme est apparue au fil des mois.
Une jeune femme qui m’emplit de fierté et de reconnaissance. Une adulte en devenir, si attentionnée et aimante. Ma complice, ma moitié, mon amour. Ma toute petite, mon soutien, ma béquille. Ma fragile, ma douce blonde.

Celle qui a m'a faite Mère

Celle qui a m’a faite Mère

Ma fille.
Mon amour, tu es loin de moi aujourd’hui. Un avant-goût des années à venir, où tu vas doucement prendre ton envol. Mon amour, j’ai tant à te dire.

Tout d’abord, MERCI. Merci pour tout ce que tu apportes à notre famille, par tes attentions quotidiennes, ton aide inestimable pour moi, mère légèrement désorganisée. Merci pour l’amour que tu portes à tes frère et sœurs. Toujours. Patiemment. Pour tous ces gestes que tu fais sans mot dire. Ces câlins pour panser peines et bosses. Ces corvées que tu effectues sans démonstration. Pour tous ces moments intimes que tu m’apportes. Nos discussions interminables, nos silences si complices. Tes bras autour de moi, ta tête sur mon épaule.

Tu commences cette semaine une nouvelle page de ta jeune vie, en intégrant cette école. Tu te destines à un métier qui te correspond tellement, toi la jeune femme plus que maternante et bienveillante. Déjà tellement mature et posée.

Et j’aimerais te transmettre ma force et ma foi. Qu’elles pansent et apaisent cette angoisse qui te ronge. Que ton mal-être disparaisse et libère ta confiance.
Je crois en toi, en ton âme si belle.

Ma Bella Bionda, ma Première. Joyeux Anniversaire mon Bébé.

Sweet-16-Party

Sans m’étendre autant (par respect pour son intimité) j’ai une pensée amoureuse pour mon Homme, pour le papa de mes enfants, qui fête aujourd’hui ses 33 ans. Qui assure sans faillir depuis 16 ans, droit et fort toujours, pour nous soutenir. Parce qu’à travers les nuages, les tempêtes ou les arcs-en-ciel, il est là, pour moi, pour eux.

Joyeux Anniversaire mon Amour.

Trouillomètre à zéro.

peur

Il est plus de 23 heures, ce dimanche soir, et le sommeil me fuit.
Les pensées tournoient et se mêlent dans mon esprit, l’angoisse noue mes tripes et broie ma gorge.
Cette rentrée de Septembre, qui devait être si riche de bouleversements bénéfiques, se charge de stress, de désarroi et de panique.

Face à la détresse de Perle, devant l’angoisse grandissante de Prems, je me sens comme une petite fille démunie, qui ne souhaiterait rien de mieux que se blottir sous sa couette, fermer fort fort ses yeux, et attendrait qu’un adulte, enfin, prenne les choses en main.
Que quelqu’un endosse à ma place cette charge colossale que sont les soucis de mes enfants.

En effet, cette rentrée est bien soucieuse.
D’abord pour Perle, dont les premiers pas au Collège sont plus qu’ardus.
Dès le premier jour, la panique l’a submergée. Et le deuxième jour, elle l’a ensevelie. Crise de nerfs, tentative de fugue, hystérie et peine immense.
Trop grand, trop bruyant, trop rapide, ce nouveau monde l’a agressée si fort qu’elle n’a su absorber ses craintes.
Aussi, dès vendredi dernier, nous étions convoqués face au principal et toute sa clique, qui nous ont assené leur sentence. Aucune récidive de ce « mauvais » comportement, ou ce sera la porte. L’exclusion.
Heureusement, certains membres de l’équipe pédagogique ont su être bienveillants et à l’écoute de notre fille. Et vont tenter de l’accompagner dans ses débuts de collégienne.
Mais l’angoisse la ronge ce soir. Et me ronge également.
Car mon nouveau travail ne me permettra pas d’être présente pour elle. Parce qu’il n’y aura pas de seconde chance. Parce que j’ai peur que, demain, alors que je serais loin, elle n’y arrive pas. Et qu’à peine commencé, son avenir se heurte encore à ses phobies si tenaces.

Et il y a Prems. Ma belle bionda de presque 16 ans. Qui a soufflé ses bougies aujourd’hui, la boule au ventre, alors que sa date d’anniversaire n’est que dans deux jours.

Parce que ce jour-là, elle sera loin. Dans sa nouvelle école, son internat. L’école qu’elle a choisi le sourire aux lèvres en mai dernier. Mais qui lui semble aujourd’hui si terrible et inquiétante.
Toutes ses peurs, oubliées, endormies ces derniers mois de déscolarisation, ont refait surface violemment, annihilant toute sa raison, pour ne laisser place qu’au stress et à la peur.
Et, depuis une semaine, alors que l’on constitue doucement son paquetage d’interne, entre étiquetage intensif et petites attentions maternantes, je l’ai vue se transformer, se recroqueviller, s’enfermer dans une angoisse. Entre la peur de l’inconnu, l’angoisse de la séparation, la crainte d’être jugée, rejetée par ses camarades, tout a mené à un état d’agitation extrême qui atteint ce soir son apogée.

Là, tout de suite, elle est contre moi, lisant son troisième livre de la journée, pour tromper le temps. Là, tout de suite, elle comme moi, aimerions que le temps s’arrête. Voir recule, vite, très vite, et que revienne le temps de l’insouciance. Quand, toute petite et heureuse, rien ne l’enchantait plus que d’aller à l’école pour apprendre encore et encore. Quand mes bras et mes baisers suffisaient à calmer ses plus grandes peurs. Quand rien ne comptait plus que nous deux, juste nous.

Et la nuit va passer, lentement mais sûrement. Et le jour va se lever, étirer ses rayons et le bleu de son ciel levant, nous forçant à affronter, la gorge serrée et les larmes aux yeux ce que nous redoutons si fort.

Demain sera bientôt là.

Demain, je regarderai Perle monter dans son bus, priant de toutes mes forces que sa journée soit douce. Tremblant minute après minute, qu’un coup de téléphone déchire mon silence stressé.
Demain, je vais emmener, escortées de leurs sacs, valises et étiquettes, mes deux aînées, l’une impatiente, ma belle Rebelle, et l’autre complètement terrorisée.
Je vais les embrasser et repartir sans elles. Priant de toutes mes forces pour qu’elles prennent leurs marques rapidement. Tremblant minute après minute, qu’un coup de téléphone vienne briser nos espérances.

Demain sera bientôt là.

Et je ne suis pas armée pour l’affronter.

Il est des signes qui ne trompent pas.

Ce soir, je regardais mon fils. Mon ToutPetit. Il jouait avec ses sœurs, à faire le zouave comme il le fait si bien.

Et, au lieu de m’en amuser, de ricaner comme à l’accoutumée devant ses facéties, j’ai senti un grand vide.

Car il est des signes qui ne trompent pas.

Il a grandi. Il a pris son envol.

Je devrais m’en réjouir, tellement ses premières années de vie ont été chaotiques et difficiles à vivre pour moi.

Attachés l’un à l’autre. Collés serrés, fusionnés. Des heures d’insomnie à tenter de l’apaiser. Des milliers de tétées pour enfin le combler. Des pleurs. Mes pleurs, face à ce petit être dévoreur d’énergie. Ses pleurs.

Et, sans que je ne m’en aperçoive, mon ToutPetit, mon bout de moi s’est détaché.

Quand il évolue vite, très vite. Quand il rattrape ces 5 premières années où il ne vivait qu’à travers moi.

Quand il réclame sa part de lionceau dans ma Tribu, quand il s’impose, dispose.

Quand il se débrouille seul. Qu’il le revendique même, ce savoir-faire seul.

Il est des signes qui ne trompent pas.

Quand il s’endort seul, depuis longtemps déjà. Quand il câline sa soeur plutôt que que moi. Quand je m’aperçois que la journée a coulé sans qu’une seule fois je l’ai pris dans mes bras.

Il est des signes qui ne trompent pas. Mais qui font mal, là, tout bas.

Attachés l’un à l’autre. Collés serrés, fusionnés.

Comme il est amer, ce goût d’indépendance, mon Fils.

Comme il est douloureux, ce deuil.

Il est des signes qui ne trompent pas.

Mon Fils, mon grand bonhomme, au sourire renversant et au sourire charmant. Je vais te regarder grandir, encore et toujours. T’aimer plus fort que tout.

Mon ToutPetit, mon Dernier, j’ai gravé au fond de moi chacun de tes mouvements esquissés dans mon ventre, chaque douleur préparant ta venue au monde. Je garde en mémoire chaque pli de ton cou. Ma main peut tracer dans l’air les courbes de ton corps, de ton dos tout doux tout chaud, que j’ai tant caressé, dans l’espoir de te calmer. Je me souviens de chaque tétée partagée, de mon lait, de mon âme qui coule de mon cœur au tien. Je sens encore ton corps contre le mien, ta petite main serrée dans mon cou.

Presque 3 ans de lien lacté ♥

Presque 3 ans de lien lacté ♥

Il est des signes qui ne trompent pas.

Mon Fils, ma Terreur, tu es grand. Et tu vas devenir plus grand encore. Fort comme un homme. Beau comme un Dieu.

Mon Fils, ma fierté ♥

Mon Fils, ma fierté ♥

Mais tout au fond de moi reste figée l’image de mon nouveau-né. Mon dernier. Pour l’éternité.