Quand la Tribu fait sa rentrée

source : Huffington Post

Par quoi commencer ? Depuis mai dernier, j’en aurais des choses à raconter, drôles ou moins drôles. Des anecdotes de notre quotidien à 7, des réflexions profondes d’une toute nouvelle quadra, des idées à partager, des conseils à chercher….

Je ne sais plus trop quelle ligne je dois suivre. Continuer mon pêle-mêle de billets au gré de l’inspiration ou bien décider d’un fil conducteur plus précis ?

Je ne sais pas s’il reste quelques lecteurs derrière cet écran, si quelqu’un s’intéresse encore aux tribulations de notre famille, mais si jamais ce billet trouve un auditoire, je veux bien votre avis

En attendant, je ne vais pas me soustraire à cette tradition qu’est le billet de rentrée !

En rangée bien alignée, voici quelques nouvelles de la Tribu :

Ma Prems, 19 ans dans moins d’une semaine, a décroché haut la main son Bac Pro Services à la Personne en juillet dernier ! Mon cœur de maman éclate de fierté, ma toute petite est bachelière !

Pas très sûre encore de son orientation, elle a choisi de suivre nos conseils et a repris le chemin de son école ce matin, pour une formation CAP Petite Enfance qui lui permettra au minima de décrocher un poste en crèche, ce que ne lui permettait pas son BAC. En pleine réflexion sur son avenir, elle a pour le moment comme objectif l’obtention de son permis de conduire. Et pour le financer, ma Bella Bionda a décroché un job d’étudiant dans un célèbre fast-food. Les mois à venir vont donc être bien remplis pour ma blonde, entre études, stages pro et travail le week-end.

Ma Deuz, bientôt 18 ans, a décroché avec des notes fort honorables son Bac de Français et a terminé son année de Première avec les félicitations de l’établissement ! Après deux ans de travail acharné, à lutter contre du harcèlement scolaire, des coups de blues et des moments d’abattement, ma ReBelle a triomphé et prouvé à tous ses grandes capacités.

Elle a repris le chemin du lycée ce matin, pour sa dernière année. Elle a en tête d’intégrer ensuite une école supérieure de Management dans la restauration. Pour ce faire, elle a déjà effectué des stages en milieu pro, sur son temps de vacances. Mais avant ça, elle se donne un an de réflexion et de maturation après le Bac, et souhaite s’engager auprès du Bureau Gouvernemental dans une mission de Service Civique.

Mum is so proud again !

Perle, 15 ans tous frais, a terminé son année de 4ème tant bien que mal. Sa re-scolarisation aura été compliquée et difficile jusqu’aux derniers jours. Entre crises d’angoisses, mutisme et bonne volonté, sa phobie scolaire aura mis à mal toute l’équipe pédagogique.

Malgré cela, elle a pu s’épanouir lors de son stage pro, découvrir le métier de chevrière, a apprendre le processus de fabrication des fromages (que nous avons dégusté semaine après semaine, miam !), et aspire à s’accomplir dans cet environnement au quotidien. Pour cela, elle envisage d’intégrer un CAP agricole, voir (si son niveau scolaire, encore trop fragile actuellement, le permet) un BAC Pro Agricole.

Mais, alors qu’elle préparait soigneusement son cartable, un peu angoissée mais impatiente de reprendre les cours, nous apprenons que l’école ne souhaite pas forcément son retour, craignant de nouveaux conflits. Craintes tout à fait recevables, mais grosse déception pour nous. Que va-telle devenir si elle ne peut poursuivre en 3ème ? Les scenarii catastrophes se bousculent sous mon front, à l’idée de devoir reprendre l’IEF, alors même que ma situation personnelle va connaître de grands changements.

Ma Championne, 13 ans, a traversé de sales moments au printemps dernier. Sans signe annonciateur, une grosse angoisse l’a submergée et ma puce n’a pu reprendre le chemin du collège depuis mars dernier. Nous avons multiplié les suivis psys, médicaux, pédagogiques, rencontré mitraille de spécialistes, alerté toute l’équipe du collège. Nous ne savons toujours pas ce qui a bien pu provoquer cette terreur soudaine.

J’ai donc assuré ses cours pour le dernier trimestre, tout en multipliant les appels à l’aide auprès des instances concernées. Notre choupette est suivie depuis par le CMP du secteur. Et après négociations, le collège a bien voulu l’inscrire pour cette année, en 4ème, en lui proposant même de désigner une camarade qui pourrait être intégrée à sa classe. Sa rentrée, c’est demain, et j’avoue que le stress nous tord le bide depuis quelques jours.

Quant à mon Fiston, mon tout petit, mon ange blond, qui a tellement grandi ces derniers mois, tout en fougue et en insolence, mais tellement câlin et fusionnel. Il est entré ce matin en CE2, le sourire un peu figé, les yeux un peu humides, mais l’air bravache et le pas décidé. Il mène son petit bonhomme de chemin, un peu perdu parfois. Le temps me manque souvent, l’énergie aussi, et la culpabilité me pince le cœur de le voir jouer seul, petit garçon de 8 ans au milieu de toutes ces jeunes femmes.

Et nous, Monsieur mon Mari et moi, devons tenir la barre de ce catamaran qu’est notre Tribu. Entre mer d’huile et vagues démontées, nous avons failli nous perdre, encore.

Mais encore, nous avons bataillé, serré les dents et resserré nos liens.
MMM entame un chemin bien difficile depuis quelques mois, dont je n’étalerai pas les tenants ici, mais je le soutiens dans ces choix bien ardus.

Et pour pallier aux difficultés que son cheminement implique, j’ai du revoir mes aspirations personnelles. Plutôt que d’entamer les démarches de V.A.E du diplôme d’A.P., j’ai du me mettre à la recherche d’un emploi « alimentaire » selon la formule consacrée. Si tout se déroule comme prévu, je devrais prendre mon nouveau poste, la semaine prochaine. Un boulot pas très épanouissant, de nuit, mais qui ramènera des pâtes dans les assiettes et de la sérénité dans nos têtes. Et qui sait, me connaissant, cela risque même de me plaire !

Ainsi donc le mois de Septembre commence comme celui de l’an dernier, et celui encore avant, dans l’incertitude, avec son lot d’angoisses. Mais je retiendrais aussi la sérénité de mes aînées, l’amour qui nous lie toujours plus fort dans la tempête, et soyez sûrs que notre barque continuera la traversée !

Et vous, racontez-moi votre rentrée !

Prenez soin de vous,

A bientôt !

 

Quand le monstre se réveille

Elle recommençait à se camoufler. Sa grosse veste portée en permanence, une carapace salie et usée. Je la surprenais de nouveau à courber les épaules, à fermer les yeux. Sa bouche témoignait de ses peurs, hachée, triturée et blessée par ses doigts tremblants et nerveux.

Son sourire se faisait moins vif, ses paroles moins nombreuses.

Le matin, à l’aube, alors que l’heure de la réveiller avait sonné depuis longtemps, j’hésitais, le coeur noué. Je le jouais à quitte ou double. Un sourire ou des larmes. Jackpot gagnant lorsqu’elle se préparait seule, sans que j’ai à la motiver dix fois. Echec et mat, lorsqu’à l’heure de sortir dans la gelée matinale, elle était encore enfouie sous sa couette, la mine renfrognée et le front soucieux.

L’angoisse avait repris le dessus.

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Le monstre tapi en son sein, bien qu’amadoué depuis quelques mois, n’en restait pas moins bien présent. Lourd et serrant d’une griffe de plomb la douce âme de mon enfant.

Alors, je reprenais mes litanies sans fin. Des encouragements et des câlins. Des caresses et des « cajolades ».

Parfois aussi, les larmes roulaient sur mes joues, sur mes mots, quand la fatigue et la peur étaient trop fortes.
Parfois même, les cris écorchaient ma gorge serrée, quand plus rien ne d’autre ne venait soulager notre peine.

J’étais démunie, j’étais une maman en carton.

Le monstre sortait de son sommeil pour bousculer ma Douce. Il crochetait, agrippait, retenait mon enfant, alors qu’elle était toute entière tournée vers un demain plus serein.

La fatigue physique venait amplifier la rage du Démon. Des jours et des jours à arpenter les chemins de terre, dans le froid et la bise. Des soirs et des week-ends, à courir et dribbler, sur le terrain vert.
Du plaisir pourtant, de la joie et de l’envie aussi.
Mais elle était bien fragile, quand même, ma fille.

Elle était si petite, malgré sa taille de géante.

Elle avait affronté et remporté déjà de nombreuses batailles contre ce monstre invisible.

Elle avait durci le front et serré les dents. Elle avait relevé la tête et bravé le vent.

Mais cette fois-ci, elle devait reculer.

Respirer. Expirer. Prier.

Presqu’à terre et sans souffle, nous allions nous relever, LA relever. La soutenir et la porter. Encore. Toujours.

Malgré la douleur qui grince dans mes os, et hurle dans mon cœur.

Malgré la peur qui broie nos âmes.

Elle va se relever. Bientôt.

Parce qu’elle a décidé de se battre. Parce qu’elle a décidé de GAGNER.

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Quand je ne réalise pas

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Je vous racontais il y a quelques jours comment Perle affronte vaillamment ses démons, pour être « normale ».

Mais j’ai le doute et l’angoisse chevillés au cœur depuis si longtemps, que je n’arrive pas à relâcher ma vigilance. Tout le temps, trop fort.

Quand je la dépose à son travail, au centre équestre, et que je la suis du regard, discrètement dans le rétroviseur, pour être sûre qu’elle y va bien. Quand mon doute est persuadé qu’elle va se planquer quelque part, et m’attendre jusqu’au soir.

Quand je la récupère le soir, et que de loin, je guette déjà les signes de l’angoisse ou de la tristesse sur son visage.

Quand j’interprète chacun de ses silences comme un mal-être. 

Quand je provoque la discussion au sujet de l’internat et que je devine (imagine ?) sa panique.

Quand, lors des entraînements de foot, je reste toujours auprès d’elle, répondant pour elle à ses co-équipières, détournant son attention, pour la détendre.

Mais a-t’elle encore besoin de mes remparts ? A-t’elle encore besoin de mon bouclier, de ma voix, de mes bras, à chacun de ses pas ?

Quand elle est debout dès l’aube, prête bien avant l’heure, dévorant chaque repas, tellement le travail physique la stimule.

Quand elle rentre le soir, percluse de fatigue, recouverte de poussière et de graisse à sellerie.

Quand elle raconte, un peu, les bêtises des chevaux.

Quand elle devient acharnée, obstinée, sur le terrain vert, alors que ses jambes ne la portent plus et que son souffle est trop court.

Quand je la vois prendre, un peu, de distance avec moi devant ses co-équipières. Quand, de loin, je la vois répondre aux conversations des filles.

Quand elle s’applique pour ses devoirs scolaires, les effectuant de bon cœur.

Quand elle parle de son retour à l’internat, lundi prochain, avec crainte mais pas trop quand même.

Quand je la trouve encore grandie, que son mètre soixante-dix me semble gigantesque, parce que maintenant son visage n’est plus jamais caché derrière ses cheveux.

Mais je ne réalise toujours pas. 8 ans de cauchemars collés à ma peau. 8 ans à affronter le monde pour elle, à la cacher derrière moi, à avancer à reculons, pesant chacun de mes mots, de mes regards, pour ne pas exacerber encore plus son angoisse.

8 ans où chaque semblant d’avancée est balayé par un recul violent.

Il va falloir que je baisse les armes, que je lâche prise. Que je lui lâche la main. 

Il va bien falloir, hein. Mais bon sang, qu’est-ce que ça fait peur.

Alors, la vie a repris ses droits

Alors que le goût d’écrire m’avait quitté depuis bien longtemps, il me vient à nouveau comme une envie de vous dire, de vous raconter, vous qui avez suivi son histoire depuis le début, lorsque chacune de mes respirations n’était que cri de souffrance et de désespoir.

C’est bien sûr de mon doux, mon tendre, mon incroyable Amour que je parle. Ma Perle. En début d’année, sa vie était sur pause depuis quelques mois déjà, suite à notre décision de la retirer du collège.

J’avais choisi d’arrêter mon activité professionnelle pour me consacrer à ses études. Mais pas évident, je me suis retrouvée coincée dans mes habitudes de mère au foyer, courant amener un enfant par-là, en chercher un(e) autre par-ci, tout en essayant de monter une activité auto-entreprenariale, histoire de m’occuper un peu plus.

Alors, Perle est restée, sur son canapé, devant ses dessins, sagement, sans mot dire, comme elle sait si bien le faire.

Et je l’ai un peu oubliée. Elle était là, je savais toujours où la trouver, pour un câlin, une sortie, un besoin. Mon activité prenait de l’ampleur, ma santé défaillait et je l’ai « zappée ».

Et un jour, elle s’est rebellée. Et a dit en avoir assez d’être la seule enfant à rester à la maison, sans activité, sans rien à raconter le soir, lors du repas. A écouter ses soeurs et frère raconter leurs journées, à les voir partir chaque matin vers de nouvelles aventures.

Et alors elle m’a dit : je veux retourner à l’école. Moi aussi, je veux être normale.

Coup de tonnerre dans mon petit monde bien rangé.

Alors, on a cherché. Et rapidement, on a trouvé. Grâce à son attirance pour le monde agricole, on a très vite déniché une structure qui propose un cycle de formation pour nos futurs agriculteurs.

Et une nouvelle bataille a commencé. Réussir à inscrire une ado désco, c’est pas simple. Il aura fallu s’accrocher jusqu’à fin juillet, où enfin, nous avons reçu son attestation d’inscription. En MFR, en 4ème agricole. 

Alors il a fallu remuer ciel et terre pour lui trouver des lieux de stage.

Et le 5 septembre 2016, à 14h, Perle a repris le chemin de l’école. Avec sa valise et ses angoisses, accompagnée par son papa, car ma panique a gagné et empêché de l’escorter.

Cette première semaine d’école a été cauchemardesque et extra-ordinaire à la fois : Perle a résisté les deux premiers jours jusqu’à s’effondrer et sombrer dans l’angoisse. Mais nous avons alors découvert à quel point l’ensemble des encadrants de son école sont bienveillants. Ils l’ont soutenue, encore et encore. Tirée vers le haut, toujours. Encouragée, complimentée, jamais abandonnée. Ils nous ont appelé, des heures durant, jour et nuit. Questionnés pour connaître au mieux notre fille. Et ça a payé. 

Après avoir touché le fond mercredi, jeudi midi Perle a rebondi de façon spectaculaire et a terminé sa semaine sans nouvelle crise de panique.

Et vendredi, j’étais bien trop en avance pour récupérer ma battante. Le coeur tremblant et les mains moites.

Et là, encore, une nouvelle victoire. Quand ses intervenants viennent à moi, souriants. Fiers de Perle, dédramatisant la semaine, en lui réitérant leur soutien et leur confiance.

Quand ils me disent que scolairement, elle dépote ! Quand leur calme et leur assurance me paraissent miel et douceur sur mes angoisses.

Et déjà, j’aperçois un changement flagrant sur ma fille : elle est droite et souriante, parle à haute et claire voix.

Et continue ses progrès, en intégrant une équipe de foot féminin, disputant ses premiers matchs, avec obstination et courage, malgré les défaites cuisantes. Je la vois vivante et vibrante.

Et ce matin, une nouvelle étape encore. Je l’ai déposée dans un centre équestre, où elle va effectuer 8 semaines de stage. Où elle va pouvoir combler son besoin d’être au contact des animaux.

Comme j’ai hâte qu’elle me raconte. Comme j’ai hâte de savourer son sourire et ses yeux qui pétillent. 

Je me gave de ses rires, de ses anecdotes gloussantes au sujet des garçons à l’école. 

Sa vie vient de (re)commencer, et cette fois, je ne la laisserai pas s’arrêter.

to be continued ….

 

 

De la difficulté de s’avouer impuissants

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J’avais écrit ici à quel point je redoutais cette rentrée. J’avais écrit ma peur face à l’organisation militaire que les changements de rythme allaient nous demander.

Aujourd’hui, 22 jours après la rentrée des classes, je viens poser de nouveau mes maux ici.

J’avais écrit ici à quel point je redoutais cette rentrée. J’avais écrit ma peur face à l’organisation militaire que les changements de rythme allaient nous demander.

Aujourd’hui, 22 jours après la rentrée des classes, je viens poser de nouveau mes maux ici. Mes angoisses, bien présentes, qui pourtant ne sont pas celles auxquelles je m’attendais.

Impuissants. C’est ainsi que nous nous sentons, là, tout de suite.
Parce que toute organisation millimétrée qui soit, notre routine, notre vie familiale et professionnelle n’arrive pas à suivre.

Perle a craqué. Après près de deux ans à s’épanouir et prendre confiance en elle, son entrée au Collège a été trop brutale. Trop de stimulus, trop d’informations, trop de tout… Ma toute douce ne supporte pas ce rythme infernal, cette masse bruyante que sont les autres élèves, cette immensité qu’est le Collège. Perle a peur. Alors Perle pleure. Perle hurle. Perle tente de fuir. Perle se fait virer.
L’équipe administrative du collège, effrayée et paniquée face aux manifestations d’angoisse de notre enfant, a préféré couper court plutôt que de donner le temps à mon enfant, d’intégrer des repères et se rassurer.

Heureusement, l’équipe soignante et éducative a pris le relais, et depuis Lundi, a été mis en place un P.A.I. (plan d’accueil individualisé) : Perle est scolarisée à temps partiel. Seulement le matin.

Perle reprend des anti-dépresseurs. Pour la shooter. Pour que ses angoisses se fassent moins bruyantes, moins voyantes aux yeux des autres. C’est la boule au ventre et la culpabilité grondant, que j’ai pris cette décision de lui donner ces médicaments. Parce que le souvenir de 2012 est encore vif et saignant. Ses troubles de la vigilance, sa respiration de zombie, sa prise de poids colossale, son irritabilité et son agitation. Tout ça tourne en moi chaque fois que je lui donne un comprimé à avaler. Mais je n’ai pas le choix. Je dois brimer ma fille. Pour que d’autres acceptent de l’éduquer.

Soutenus. Heureusement, nous le sommes. Par nos proches, famille et ami-e-s. Par certains membres du corps enseignant et médical.
Pour qui Perle est importante, valable.
Et qui, chacun, pose une pierre pour stabiliser la carapace fragile de notre enfant. Pour que doucement, oh vraiment tout doucement, Perle relève la tête et arrive à regarder le monde sans trembler.
Perle s’accroche. S’obstine. Se bat. Jour après jour, elle affronte ses peurs pour ne pas perdre de vue son avenir. Elle a envie. Elle y croit.

Et le reste. Tout le reste.
Prems et Deuz qui s’acclimatent difficilement de leurs nouveaux rythmes. Entre l’internat et sa collectivité pénible à supporter parfois. Entre leurs journées en stage, qui n’en finissent plus tellement leurs charge de devoirs est lourde. Prems aura passé plus de 15 heures la semaine dernière à travailler d’arrache-pied sur son étude de cas. Jusqu’à minuit passé le soir, quand les petits dorment et qu’enfin je suis un peu disponible. Tout le week-end. Les larmes de douleur et de fatigue coulant de ses yeux bleus désemparés.
Mais elles aussi s’obstinent. Trouvent chaque jour la motivation d’apprendre, d’engranger encore et encore pour préparer leur futur.

Championne et Fiston tentent tant bien que mal de se faire une place aussi. Exténués nerveusement par leurs nouveaux rythmes scolaires. Brisés de fatigue et en manque d’attention par la cadence que leur impose mon nouveau poste. Mais le sourire et la fronde aux lèvres. Complices et remuants, toujours. Affectueux et bruyants, sûrement.

Et nous, parents. Qui peinons à reprendre notre souffle. Submergés par cette cadence infernale. Courir, tout le temps. S’essouffler, déjà.

Mon nouveau poste d’Auxiliaire Puéricultrice me comble au plus haut point, mais le prix à payer est colossal. Brisée de fatigue, je n’arrive pas encore à trouver un équilibre et peine à reprendre mes esprits. Rentrer vite vite le soir pour enchaîner sur une deuxième journée. Ne plus savoir où j’en suis. Ne plus savoir qui je suis.

Rester aux aguets, en permanence. Ne jamais me laisser aller à vivre l’instant présent, déjà toute tournée vers le prochain horaire à respecter.
Tenter de planifier, tout, à tout prix, et voir s’effondrer mon fragile assemblage.

Monsieur Mon Mari, exténué également, par son travail de nuit, à forte charge d’activités et le peu d’heures de sommeil grappillées la journée, entre transport d’enfants et autres rendez-vous.

Un bilan bien amer, il est vrai. Mais l’espoir est là, vacillant certes, mais présent.
Petite lueur alimentée par les appels rassurants et enjoués des aînées. Par la motivation et l’opiniatreté de Perle, par les câlins collés-serrés de nos petits.

Et on se dit qu’un jour prochain, cette vie effrénée sera devenue routine, paisible et sensée.
Un jour prochain, peut-être, je viendrais vous dire que tout va bien, enfin.

Trouillomètre à zéro.

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Il est plus de 23 heures, ce dimanche soir, et le sommeil me fuit.
Les pensées tournoient et se mêlent dans mon esprit, l’angoisse noue mes tripes et broie ma gorge.
Cette rentrée de Septembre, qui devait être si riche de bouleversements bénéfiques, se charge de stress, de désarroi et de panique.

Face à la détresse de Perle, devant l’angoisse grandissante de Prems, je me sens comme une petite fille démunie, qui ne souhaiterait rien de mieux que se blottir sous sa couette, fermer fort fort ses yeux, et attendrait qu’un adulte, enfin, prenne les choses en main.
Que quelqu’un endosse à ma place cette charge colossale que sont les soucis de mes enfants.

En effet, cette rentrée est bien soucieuse.
D’abord pour Perle, dont les premiers pas au Collège sont plus qu’ardus.
Dès le premier jour, la panique l’a submergée. Et le deuxième jour, elle l’a ensevelie. Crise de nerfs, tentative de fugue, hystérie et peine immense.
Trop grand, trop bruyant, trop rapide, ce nouveau monde l’a agressée si fort qu’elle n’a su absorber ses craintes.
Aussi, dès vendredi dernier, nous étions convoqués face au principal et toute sa clique, qui nous ont assené leur sentence. Aucune récidive de ce « mauvais » comportement, ou ce sera la porte. L’exclusion.
Heureusement, certains membres de l’équipe pédagogique ont su être bienveillants et à l’écoute de notre fille. Et vont tenter de l’accompagner dans ses débuts de collégienne.
Mais l’angoisse la ronge ce soir. Et me ronge également.
Car mon nouveau travail ne me permettra pas d’être présente pour elle. Parce qu’il n’y aura pas de seconde chance. Parce que j’ai peur que, demain, alors que je serais loin, elle n’y arrive pas. Et qu’à peine commencé, son avenir se heurte encore à ses phobies si tenaces.

Et il y a Prems. Ma belle bionda de presque 16 ans. Qui a soufflé ses bougies aujourd’hui, la boule au ventre, alors que sa date d’anniversaire n’est que dans deux jours.

Parce que ce jour-là, elle sera loin. Dans sa nouvelle école, son internat. L’école qu’elle a choisi le sourire aux lèvres en mai dernier. Mais qui lui semble aujourd’hui si terrible et inquiétante.
Toutes ses peurs, oubliées, endormies ces derniers mois de déscolarisation, ont refait surface violemment, annihilant toute sa raison, pour ne laisser place qu’au stress et à la peur.
Et, depuis une semaine, alors que l’on constitue doucement son paquetage d’interne, entre étiquetage intensif et petites attentions maternantes, je l’ai vue se transformer, se recroqueviller, s’enfermer dans une angoisse. Entre la peur de l’inconnu, l’angoisse de la séparation, la crainte d’être jugée, rejetée par ses camarades, tout a mené à un état d’agitation extrême qui atteint ce soir son apogée.

Là, tout de suite, elle est contre moi, lisant son troisième livre de la journée, pour tromper le temps. Là, tout de suite, elle comme moi, aimerions que le temps s’arrête. Voir recule, vite, très vite, et que revienne le temps de l’insouciance. Quand, toute petite et heureuse, rien ne l’enchantait plus que d’aller à l’école pour apprendre encore et encore. Quand mes bras et mes baisers suffisaient à calmer ses plus grandes peurs. Quand rien ne comptait plus que nous deux, juste nous.

Et la nuit va passer, lentement mais sûrement. Et le jour va se lever, étirer ses rayons et le bleu de son ciel levant, nous forçant à affronter, la gorge serrée et les larmes aux yeux ce que nous redoutons si fort.

Demain sera bientôt là.

Demain, je regarderai Perle monter dans son bus, priant de toutes mes forces que sa journée soit douce. Tremblant minute après minute, qu’un coup de téléphone déchire mon silence stressé.
Demain, je vais emmener, escortées de leurs sacs, valises et étiquettes, mes deux aînées, l’une impatiente, ma belle Rebelle, et l’autre complètement terrorisée.
Je vais les embrasser et repartir sans elles. Priant de toutes mes forces pour qu’elles prennent leurs marques rapidement. Tremblant minute après minute, qu’un coup de téléphone vienne briser nos espérances.

Demain sera bientôt là.

Et je ne suis pas armée pour l’affronter.

Comme un goût de déjà-vu

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Alors ils vont rentrer chargés de pochettes gavées de dessins.
Alors ils vont envahir la maison de cahiers achevés et dépecés, de monceaux de feuillets gribouillés.
Alors ils vont soir après soir préparer des petits mots, des collages et des preuves d’amitié.
Alors ils vont renâcler à se coucher et cacher leurs cernes sous une excitation difficile à gérer.
Alors ils vont rassembler jeux et gâteaux à partager
Alors ils vont pleurer.
Alors je vais avoir la gorge nouée.

Comme chaque été. Comme chaque fin d’année.

Comme un goût de déjà-vu.

Depuis bientôt 13 ans, juin a ses rituels bien particuliers. Clore l’année en beauté, entre kermesse et légèreté. Et déjà préparer la rentrée prochaine, avec son cortège de réunions et de dossiers à compléter.

Comme un goût de déjà-vu.

Et comme une anxiété nouvelle.
Cette fin d’année marque un changement pour notre tribu.

Dernière fin d’année oisive pour Prems.
Dernière fin d’année au Collège pour Deuz.
Dernière fin d’année au primaire pour Perle.
Dernières nuits de garde pour moi.

La rentrée s’annonce inconnue, excitante et angoissante.
Entre l’entrée en internat pour mes deux aînées, le Collège pour Perle, des journées à rallonge pour les deux derniers et un nouveau travail pour moi.
Ça passe ou ça casse. J’ai peur que ça casse.
Car laisser derrière nous cette routine tellement ancrée me semble bien difficile à réaliser.
Vais-je réussir à gérer le quotidien ? Mes filles vont-elles s’habituer à leur vie d’interne, vont-elles s’en donner les moyens ?

En ce dernier jour de juin, je suis fatiguée, très fatiguée. Mais heureuse, très heureuse. Je croque la vie à pleines dents, je multiplie les activités, je suis de tous les fronts et j’adore ça. La tribu en pâtit, un peu. Car tellement habitués à ce que je gère tout, tout le temps, ils pataugent et cafouillent. La maison laissée en plan, cherche qui saura la bichonner un peu.
Mais tant pis, j’ai décidé de vivre pour moi, aussi.
Que ça passe ou ça casse.

Et ça, c’est comme un goût de déjà-vu.

Un goût d’amertume

dépressionDéscolarisation – phobie scolaire – certificats médicaux et j’en passe et des meilleures.. Comme une impression de déjà-vu, un goût d’amertume, une envie de pleurer.

Nous pensions avoir tourné la page, refermé le sombre livre de la dépression enfantine…

Comme nous nous trompions. Comme nous nous bercions d’illusions. Nous nous vautrons dans la félicité et la fierté toute parentale d’avoir réussi à extirper Perle de ses angoisses extrêmes. Nous nous enorgueillissons de notre écoute bienveillante, notre attention constante qui la soutenaient et la préservaient des rechutes. Rechutes qu’elle ne connaît plus. Radieuse, elle évolue chaque jour vers son avenir.

Comme le revers de bâton est douloureux. Comme le chagrin est fort quand il a déjà été goûté. Comme l’incrédulité, l’incompréhension et les doutes sont violents quand le cauchemar touche celle qui nous semblait la plus sereine.

Ma belle blonde. Ma toute grande. Ma première.

Notre aînée s’étiole depuis quelques semaines, se recroqueville, se brise. Sans mots à appliquer sur ses maux. Dans les larmes, l’insomnie et les mutilations. Dans la panique, la peur et l’angoisse.

Et pourtant, elle est si souriante, si aimante et câline. Bien à l’abri dans notre maison. Bien à l’abri dans nos bras. Et devient tout autre, tremblante et agonisante lorsqu’il s’agit de franchir les portes du Lycée.

Nous l’avons serrée fort fort dans nos bras, mais cela n’a pas suffit. Nous avons pleuré avec elle, pour elle, mais cela ne l’a pas guérie. Nous avons fait semblant de ne pas entendre les semonces de la société, de ne pas supporter la pression des administrations. Mais ils nous ont écrasés.

Et les grands mots ont été prononcés. Pour nous préserver, garantir l’équilibre de notre famille, assurer son bien-être psychologique, il a fallu mettre ces vilains mots sur un mal-être indéfinissable, inquiétant et envahissant.

Phobie scolaire. Pourquoi ? Comment ? Ma belle blonde, mon actrice en herbe, si sociable et sans accroc. Ma précoce, ma surdouée. Qui s’effondre alors que tout lui sourit. Qui se craquelle alors qu’elle semblait faite de titane et de rires.

Aujourd’hui est le premier jour d’un hiver noir….

Comme un goût d’amertume.

En attendant le Printemps.

Nouveau départ.

(Article initialement publié le 22/05/2012)

Hier s’est tenue la première réunion de l’équipe éducative depuis l’hospitalisation de Perle.
L’équipe éducative est composée de plusieurs personnes en lien avec notre fille dans le cadre de sa scolarité (dans notre cas, sont présents l’enseignante de Perle, le Directeur de l’école, la psychologue et le médecin scolaires, l’enseignante référente de secteur).

Cette équipe avait été mise en place l’année dernière, lorsque les angoisses de la Puce sont devenues ingérables pour elle et l’équipe enseignante.
La dernière en date, mi-janvier, avait été catastrophique : nous avions été gentiment priés de reprendre notre fille, de la de-scolariser et de nous dépatouiller seuls, l’Education Nationale ne pouvant plus rien lui apporter.

Depuis, la situation a énormément évoluée.
Perle a été hospitalisée début Mars en Unité Pédopsychiatrique.
Un séjour difficile, bouleversant, dramatique parfois, mais nécessaire, avec une évolution plus que favorable et un bilan (presque) final plus que positif.
Cette hospitalisation est toujours d’actualité, hélas, mais la sortie est proche, notre fille prépare son retour avec les soignants, et nous faisons de même ici avec l’équipe enseignante.

C’est pourquoi nous nous sommes tous réunis aujourd’hui à l’école, pour envisager les aménagements possibles du planning hebdomadaire de la classe de Perle, afin qu’elle puisse réintégrer l’école dans les meilleurs conditions possibles.
Je suis allée à cet entretien pleine d’appréhension, avec beaucoup d’a-priori et de peurs. Deux ans que nous nous rendons à ces réunions la boule au ventre, pour à chaque fois en ressortir plus démontés encore. Jamais aucun terrain d’entente n’avait été trouvé, jamais aucun aménagement proposé n’avait suffi à apaiser les angoisses de notre fille.

Mais, malgré ma peur, j’étais presque confiante. Nous bénéficions du soutien et des conseils de l’équipe psychiatrique de l’hôpital. Et la psychiatre est parole d’or pour l’E.N.
Pendant plus d’une heure, nous avons expliqué, raconté, partagé les progrès, l’évolution de Perle. Nous avons été entendus, écoutés, respectés.
Les aménagements que nous désirions depuis tellement longtemps ont enfin été acceptés.

Perle ira donc en classe par demi-journée. A des moments choisis, où les matières étudiées ne risquent pas de la confronter trop à ses difficultés. Des matières qu’elle apprécie, où elle excelle.
Avec des moments de repli possibles à tout instant. Une attention bienveillante de la part de tous.

Pour un nouveau départ.

Pour qu’enfin, ainsi que le dit Perle elle-même : « profiter de mon enfance, d’une enfance normale, comme tous les autres enfants« .
Le chemin a été long, difficile, plein de cahots, d’obstacles, de dégringolades. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour mon enfant, si fragile. Mais j’ai confiance. Elle a maintenant en elle les ressources nécessaires pour continuer sa route…

Alors, bonne route mon Amour. 

Coeur blessé.

(Article initialement publié en mars 2012)

Cinq jours que Perle sombre dans l’angoisse et la dépression.

Cinq longues journées passées à pleurer, à se replier sur elle, à combattre toute tentative d’approche des soignants.

Cinq jours que notre coeur de parent saigne et souffre.

Cinq longues journées passées au téléphone avec les infirmières, les internes, les psychiatres.

Les neuroleptiques ont fait leur entrée, des mots barbares ont été prononcés : isolement, injections, névrose…

Le doute gonfle, m’envahit, des images terrifiantes hantent mon esprit chaque nuit blanche qui passe…

Pourtant, je le sais, de toute ma raison, qu’il faut tenir bon, encore et encore…Que ces mauvais jours sont un mal nécessaire au lâcher-prise de notre Perle.
Qu’il faut la laisser « seule » face à cette monstrueuse angoisse.
Elle va y arriver. Accepter de saisir leurs mains tendues. Sans nous.

Sans que j’accoure comme chaque fois, pour la soustraire à cette panique. Pour la laisser l’affronter, la combattre, la vaincre, en triompher..

Mais combien sont durs ces jours passés à connaître sa souffrance, à entendre ses pleurs et ses supplications…Combien hurle mon coeur de maman quand les soignants ne m’annoncent aucun progrès. Quand les psyschiatres s’inquiètent…

Mon doux, mon tendre, mon incroyable Amour, sache que pas une seconde ne s’écoule sans que toute la Tribu ne pense à toi, ne souffre pour toi, n’espère pour toi.

Demain, nous serons là.