Liberté, je crie ton nom !

J’ai toujours été une gentille petite fille, même si beaucoup ont pensé, ou pensent encore le contraire. Toujours obéir, se conformer à ce que l’on attendait de moi, rentrer dans le moule, surtout me faire oublier.

« Les règles ne sont pas faites pour être transgressées », une ritournelle ancrée si profondément en moi que j’ai pu parfois renier ma nature plutôt que de ne pas me plier aux sacro-saintes règles de la société.

En grandissant, j’ai heureusement appris à m’écouter, à faire confiance à mon jugement, et parfois la désobéissance a été la clé de mon épanouissement.

Je suis devenue mère assez tôt, selon les « normes ». Parcours atypique, avec un conjoint beaucoup plus jeune que moi, mineur de surcroît, naissances à répétition, mon dieu les cas sociaux !!

J’ai suivi à la lettre les recommandations du corps médical, de ma mère, des adultes de mon entourage, parce qu’eux « iels savaient », parce que je n’étais qu’une jeune femme conditionnée à me plier aux volontés des autres, même pour mes propres enfants.

Il m’aura fallu plus de 6 ans et bien 4 grossesses pour enfin accepter que MON opinion était la meilleure pour moi, pour mes petit.e.s, pour notre liberté.

Il m’en aura fallu de la souffrance et des remises en question, pour enfin tout envoyer balader et me fier à mon propre instinct. Cette petite voix qui depuis le premier jour me criait « STOP ! N’écoute pas, bouche tes oreilles !« 

Enfin, pour ma Championne, ma quatrième fille, j’ai rué dans les brancards et envoyé paître la société bien pensante. Allaitement, co-dodo, portage, éducation positive, non violence éducative, j’ai enfin suivi mon cœur et mon âme.

Et bien que je sois aujourd’hui sûre de moi, convaincue des bienfaits du mode d’éducation que j’apporte à mes enfants, il y a toujours quelqu’un.e pour critiquer, « conseiller », dire que « moi, de mon temps », « à ta place, moi ».

On m’a traitée de mère poule, de laxiste, de hippie, et bien d’autres termes encore. On a prédit que mes enfants me boufferaient toute crue, qu’iels seraient asociaux et tellement plus.

Seulement, « on » n’avait pas prédit, qu’en fait, tout irait pour le mieux. Que mes enfants grandiraient dans la confiance, le respect, l’amour et la tolérance. Qu’iels seraient mes égaux, oui, des individu.e.s à part entière, avec une totale liberté d’expression, dans la joie comme dans la colère.

« On » n’aime pas entendre mes enfants jurer, chanter à tue-tête, me contredire, s’insurger, claquer les portes, courir, sauter, vivre en fait ?

Tout simplement, « on » n’aime pas que nous ne rentrions pas dans cette petite case que la société nous impose.

Non, mes enfants ne rentreront pas dans vos cases !
Iels sont libres, iels sont uniques, iels sont parfait.e.s dans leurs imperfections.

Non mon fils n’est pas un « attardé » ni un « pervers » parce que je l’ai allaité jusqu’à 3 ans, porté dans mon dos jusqu’à 5 ans, ni un « homo » parce qu’il a joué à faire téter son poupon. Et quand bien même !!
Il a 9 ans bientôt, est tout à fait sevré, n’a même plus aucun souvenir de notre allaitement. C’est un garçonnet qui a une passion dévorante pour les reptiles, les dinos, les engins de chantier et le foot. Tout le contraire de ce que moi, mère possessive et abusive, lui ai apporté. Il sait qui il est, agit comme il le souhaite, toujours.

Et plus encore, je vois comme « on » est intolérant avec ma Championne, ma Tomboy, ma racaille de la campagne.
Non, ma fille ne va pas un jour « être plus féminine, quand même ! ». Oui, elle adore le rap, à outrance et jusqu’à plus soif, volume à fond. Oui elle s’habille exclusivement avec des survêt’, des baggy et des tenues de foot. Oui elle a les cheveux rasés, la démarche à la racaille, un langage de charretier et un ballon aux pieds.
Peut-être qu’un jour ses passions évolueront, peut-être qu’un jour son style changera. Mais certainement pas parce que « on » lui impose.

Nous sommes en 2017, il paraît que nous autres, humains, sommes une espèce « évoluée ».

Et bien quand je regarde et écoute les réactions sexistes, rétrogrades et complètement stupides qu’ « on » distribue à foison sur ma fille, j’ai juste envie de hurler à la face du monde, à quel point ça peut faire mal d’entendre tout ça et à quel point l’Homme n’est qu’un monstre d’intolérance et de jugement.

Oui Championne est un « garçon manqué », si ça vous fait plaisir de la cataloguer, de lui faire porter une étiquette dont elle n’a cure. Mon dieu, oui elle est certainement homosexuelle, en tout cas, pour l’instant son attirance va vers le genre féminin.

Comme dirait Shy’m, « et alors ?!! » qu’est-ce que ça peut vous faire ? Championne n’a jamais été aussi épanouie que depuis que j’ai cessé de lui imposer mes goûts, mes attentes, mon envie d’avoir une petite fille à couettes.

Vous n’imaginez pas à quel point cela me blesse quand vous égrenez vos petites remarques bien pensantes. Vous ne savez pas à quel point la lionne en moi se retient de balayer vos réflexions d’un coup de griffe.

Et dans le lot de ma tribu, aucun.e ne rentrera jamais dans vos petites cases étriquées et risibles.

Chacun.e a conscience de son identité personnelle et unique, sait le respect qui lui est dû.

Que ce soit ma Prems, adulte selon la loi, mais pas du tout prête à l’être et qui compte bien profiter longtemps du réconfort du nid familial.
Que ce soit ma Deuz, emo, rebelle et king size, qui refuse de rentrer dans votre moule désuet de l’apparence bien conforme aux magazines de mode.
Que ce soit ma Perle, qui passe pour une extra-terrestre à refuser de communiquer comme tout le monde, qui refuse d’exhiber son corps parfait.
Que ce soit moi, qui n’entre pas non plus dans votre petite case, en préférant me « sacrifier » pour mes enfants. Non, il faut « prendre du temps pour toi », « et toi, faut pas t’oublier »… Qui a décidé que profiter pleinement de mes enfants était me sacrifier, m’oublier. Est-ce qu’être une individue épanouie et comblée passe obligatoirement par l’apparence physique, le nombre de rendez-vous chez le coiffeur, ou la « réussite » professionnelle ?

En ces temps de prise de conscience quant à la condition féminine, je répète jour après jour à mes enfants à quel point leur corps, leur apparence, leurs aspirations amoureuses, sexuelles, professionnelles leur sont personnelles et incontestables.

Personne ne dira jamais à mes enfants ce qu’iels doivent être, ce qu’iels doivent faire.

Personne ne les obligera à annihiler leur individualité pour être un mouton de la masse, non merci !

Alors, la prochaine fois que vous voudrez demander à mes enfants de « se tenir bien comme il faut », la prochaine fois que notre façon de vivre vous dérange, vous choque ou je ne sais quoi, mordez-vous la langue, bien fort, jusqu’au sang, avant que ce ne soit moi qui vous la morde.

A bon entendeur, ….

 

 

Un jour d’été (ou comment l’histoire a commencé)

Elle était née au petit matin d’un jour d’été, bien après l’heure, comme avant elle ses deux grandes sœurs.

Elle avait pris son temps, au creux de moi, déjà elle montrait cette façon d’être si particulière, tellement calme et discrète.

Sa naissance fut pourtant tout le contraire, violente et rapide, entre un ascenseur et une table d’accouchement encore embarrassée d’une naissance précédente.

Mais cette violence venait certainement de mon corps, de Dame Nature, enfin décidée à aider ma douce à voir le jour, car à peine née, toujours fripée, Perle restait calme et silencieuse, très vite souriante et charmante.

Et pourtant, dieu que je l’avais trouvée laide, ces premiers jours, rose vif, trop grande, trop grosse. Mon corps et mon cœur malmenés par une fin de grossesse épuisante, je l’observais, la scrutais, de ses cheveux blonds aux plis de son corps potelé, pour tenter de l’apprivoiser, de me l’approprier.

Je n’imaginais pas à cet instant l’osmose et la complicité qui allaient nous lier, moi, mère débordée et celle que j’allais très vite appelée mon Doux, mon Tendre, mon Incroyable Amour.

Entourée de grandes sœurs volubiles, Perle se faisait souvent oublier, toujours immobile et sereine, déjà elle se créait une bulle rien qu’à elle, d’où elle observait ce drôle de monde, elle regardait vivre sans trop s’en mêler, de loin, sans bruit.

Et toujours, elle portait ce sourire merveilleux, qui partait de sa bouche perlée pour éclater dans ses grands yeux bleu océan.

Gravé au fond de mon âme, je garderai le souvenir de ses étreintes matinales, quand enfin sa sœur aînée avait pris le chemin de l’école et que je venais la lever. Chaque matin, sans faillir, elle m’attendait, sûrement réveillée depuis longtemps, souriante et paisible. Et chaque matin, elle me tendait les bras, se nichait au creux de mon cou, et me serrait fort, fort de ses petits bras blonds.

Oh mon Amour ! Je ressens encore aujourd’hui ton étreinte tendre, l’amour perle au bord de mes yeux et mon cœur chavire encore, tant d’années après.

Qui aurait pu deviner, en ces temps bénis, que ma douce petite fille allait subir le pire, et tellement détester ce monde …

L’art délicat de l’unschooling à temps partiel

Si j’avais suivi mes inspirations profondes, et non les diktats et pressions de la société (tout le monde fait comme ça, on suit le mouvement, point barre), j’aurais choisi de pratiquer l’unschooling* pour toute ma tribu.

Les années passant, j’ai constaté comment la scolarisation en établissement peut annihiler l’enthousiasme, la création et les apprentissages spontanés de l’enfant. Mes différentes expériences – professionnelles et personnelles, ont éclairé et enrichi ma réflexion éducative et j’assiste, souvent frustrée, au cloisonnement de la personnalité de nos enfants.

Bon, mes enfants scolarisés sont, la plupart du temps, heureux et épanouis dans leurs établissements respectifs, et j’en mesure les bienfaits (entre deux récriminations contre ce système étriqué et restrictif ahem). Je ne parle pas là de bienfaits au niveau des acquisitions dites « scolaires » mais plutôt au niveau des échanges sociaux, de l’apprentissage de la communication entre pairs, bien qu’évidemment tout ceci se rencontre aisément dans notre vie au quotidien.

Mais voilà, notre vie s’est ainsi mise en place, et on s’en satisfait pas trop mal.

Sauf pour Perle. Ma douce, ma tendre aura toujours bataillé pour s’insérer dans la petite case sociétale qui lui est dévolue, sans jamais y parvenir.

Au sein de la fratrie déjà, quant elle se faisait oublier au lieu de prendre sa place. Discrète, silencieuse et observatrice, il lui aura fallu presque 14 ans pour parvenir à communiquer « d’égale à égale » avec ses sœurs, même si cela reste fragile, et que bien souvent, elle s’efface. Avec son frère, cela a été totalement différent, du fait de sa présence régulière à la maison, Perle et Fiston ont un lien fusionnel et quasi gémellaire.

Au sein de l’école, très vite, quand les professionnels l’ont forcée à rentrer dans le moule, l’ont critiquée, brimée, blessée.

Et de ce fait, au sein de la société, que Perle a pris en horreur, terrifiée par les adultes, puis les adolescents, jusqu’aux petits enfants qui la mettent mal à l’aise et en situation d’angoisse.

Et c’est ainsi que nous avons été broyés par les rouages de ce système, confrontés à la pression des professionnels pour la « soigner », errant d’instances en instances, de prises en charge médicales aux suivis pédo-psychiatriques.

Et que nous avons piétiné l’enthousiasme et la liberté d’être de notre fille. Réduite à une étiquette, imposante et tenace, d’enfant « à problèmes », « inadaptée », « handicapée ».

Je ne culpabilise pas (bon, un peu, mais j’y travaille), car nous avons toujours agi « pour elle », « dans son intérêt ».

Je sais maintenant que nous aurions dû freiner des quatre fers. Que nous aurions dû tout simplement proposer à notre enfant un environnement sain et adapté à son évolution. Que ce soit l’unschooling, les structures de pédagogies Montessori, Freinet ou que sais-je encore, des alternatives au système scolaire classique étaient possibles.

Mais on ne peut malheureusement pas effacer toutes ces années d’errance et nous devons continuer à avancer, à l’accompagner dans son cheminement.

Et aujourd’hui, ce qu’il lui faut, c’est prendre son temps. Observer, réfléchir, expérimenter tout ce qui lui fait envie, lui correspond, l’intéresse, la questionne. Que ce soit apprendre la fabrication d’un fromage de chèvre (merci Nathalie !), la construction d’une cabane, la pratique du football féminin, l’élevage caprin, et tellement d’autres domaines.
Vient alors l’art délicat de concilier ses besoins à notre rythme de vie, cadré par des horaires d’école, de travail, d’activités périscolaires, de trajets stage/école/job d’étudiants liés à la scolarisation de nos autres enfants.

En effet, ce n’est pas évident d’accompagner Perle dans ses découvertes, quand il faut sans cesse tout laisser en plan pour aller récupérer Fiston, le faire manger, repartir, et ainsi de suite pour lui et les autres. Ce n’est pas compatible avec par exemple, une expédition en forêt, la visite d’un musée (tout est à au moins 30 km d’ici), ou la mise en place d’une activité type lapbook ou autre recherche….

Et me voici frustrée, coincée, entre l’envie de suivre les aspirations de Perle, et mes multiples obligations de mère auprès de mes autres enfants.

Alors aujourd’hui, on pratique l’unschooling à temps partiel, en attendant mieux.

NDLR : sinon au moment où j’allais publier ce billet, Perle s’est entaillée sérieusement l’index (en préparant le gratin dauphinois pour le repas) et part en urgence à l’hôpital avec son Papa. 

NDLR2 : bilan de l’accident : Perle a donc interdiction de bouger la main jusqu’à la cicatrisation. Elle est ravie d’échapper ainsi aux activités formelles (dictées, exos divers), mais très déçue car cette immobilisation la prive également de football… A suivre.

 

*unschooling : c’est instruire nos enfants de façon non dirigée, suivant leurs évolutions, aspirations, choix d’apprentissage. Ici, je mixte entre les programmes officiels correspondant aux besoins de Perle (enseignement technique agricole),  des supports formels (pour les notions indispensables comme les bases opératoires, l’orthographe etc), et les découvertes au quotidien suivant sa demande (jardinage, visites de lieu, découverte d’exploitation agricole, cuisine, couture et tellement d’autres choses)

 

Le rôle de ma vie

Je suis une maman poule, à n’en point douter, quand tous les soirs, se glissent sous ma couette, avec leurs pieds froids et leurs piaillements bavards, un, deux ou trois petits poussins blonds.

Je suis une maman poule quand je le porte hors de son lit, enveloppé dans sa couette. Quand je lui prépare ses tartines, quand je l’habille, le chausse, le cajole toujours plus.

Mais je suis aussi une maman débordée, quand elles me répètent dix fois une information, et que pourtant je ne la retiens toujours pas.

Je suis une maman débordée, quand je ne sais plus qui je dois transporter où, quand je mélange les emplois du temps et les professeurs.

Mais je suis aussi une maman complice, quand je souris toujours à leurs blagues potaches, quand on partage secrètement une tablette de chocolat, planquées sous ma couette, parce que  » Mam’s, elle dit toujours oui ! »

Je suis une maman psy, quand elles me disent : « Je peux te parler ? », quand les copains/copines se confient également, quand j’essaie d’aplanir leurs difficultés, quand j’explique, conseille, écoute … toujours.

Je suis une maman fatiguée, quand je dois encore me battre contre eux et non plus avec eux. Quand je dois « faire de l’autorité ». Quand je hausse le ton, quand je dis non. Quand ils me font pleurer.

Mais je suis aussi une maman copine, quand on échange nos potins, quand on chante à tue-tête, quand on fait une partie de chatouilles.

Je suis souvent une maman ourse, quand je montre les dents pour les défendre, à tort ou à raison. Toujours eux en premier.

En bref, je suis une maman quoi.

Mais une maman qui crève de fierté quand je les regarde grandir, quand je nous vois si complices et si proches.

Bref, je ne m’étais pas trompée. Être maman est le rôle de ma vie.

 

 

Le printemps revient toujours

Chaque cycle, je l’oublie.

Dans la grisaille, le froid et le repli que l’hiver sombre m’impose, vidée de toute énergie créative, je plonge dans une léthargie morose et stérile.

Et pourtant.

Quand les piaillements criards de dizaines d’oiseaux me tirent d’un sommeil plus paisible.

Quand la douce tiédeur d’un soleil pâle détend mon front soucieux.

Quand j’ancre mes pieds au sol, à la Terre, et que je me reconnecte.

Quand je sens, enfin, se propager en moi une sève de vie régénérative.

Quand chaque cellule de mon corps sort de son hibernation et me fait sentir vivante.

Vivante parmi les miens.

Vivante et partie prenante d’unTout.

Et je respire, emplis mes poumons de tout l’oxygène que notre planète m’offre.

Et j’écoute. Les mélodies et les chants de ces charmeurs qui m’accompagnent depuis tant d’années. Mes petits piafs, mon rouge-gorge si téméraire, Monsieur mon merle, si ventru et protecteur. Qui, à chaque renouveau, s’égosillent et s’éparpillent dans leurs arbres, dans ce jardin sauvage que nous partageons depuis tant d’années maintenant.

Et qui me rappellent que la Vie, ma Vie est là.

Dans les bourgeons qui tendent leurs minuscules feuilles vers l’horizon.

Dans cette brise qui berce les papillons butineurs.

Dans chaque insecte qui, instinctivement, reprend ses activités printanières.

Le printemps revient toujours.

La Terre guide mes pas, source de vie et d’espérances.

Le printemps revient toujours.

Dans mon jardin, dans mon coeur et dans mon âme.

Et malgré les orages et les tempêtes qui grondent derrière mon front, je me surprends à sourire.

A ressentir de l’amour, et mon coeur à se gonfler de vie.

Alors je prends le temps de sentir. De communier. De me partager, me diluer dans l’immensité de la Grande Terre.

Je suis bénie.

Je suis vivante.

Je suis debout.

Je suis forte.

Le printemps est revenu.

Alors je prie

Nous sommes le mardi 21 décembre 2016, je suis confortablement assise dans mon canapé, devant ma cheminée qui flambe sous les bûches dont je l’alimente régulièrement.

J’entends Fiston commenter la partie de jeu vidéo de Championne. J’entends aussi Perle renifler, pas bien remise de sa grippe.

Je sais Deuz presque réveillée, sous sa couette, sans doute en train de « checker » les derniers SMS reçus dans la nuit.

J’imagine Prems et Monsieur Mon Mari occupés au boulot, à une quarantaine de kilomètres de là.

Ces dernières semaines, j’ai comme une envie de me plaindre, de pleurer, une boule amère dans la gorge.

Parce que tout ne va pas comme dans du velours pour moi, pour nous.

Parce que l’année se finit chichement, parce que notre Noël sera frugal, parce que plein d’autres peines, chagrins, espérances désabusées et tant d’autres contrariétés.

Et puis, j’ai honte. HONTE.

Tout va bien pour moi, pour eux, pour nous.

Parce que justement, nous sommes nous, unis sous le même toit. Un toit sûr et chauffé. Un toit à nous. Dans un confort inégalable. Nourris et en bonne santé. Soignés si besoin. Protégés.

Parce que mes enfants ne seront pas séparés, blessés, perdus, tués. Parce que mon mari ne sera pas enrôlé, ou torturé, ou exilé.

Parce que je ne serai pas violée, vendue, bafouée.

Parce que chaque jour m’apporte leurs câlins, leurs baisers, leurs disputes même. Autour d’une table garnie. Ou bien dans un lit douillet.

 

Des mots brouillons et mal agencés pour exprimer cette peur qui me tord le bide. Quand je prépare des colis de vêtements chauds, pour ceux arrivés en France ou dans des camps ailleurs. Quand je sais que la famille S., avec ses 6 enfants, va encore dormir dehors cette nuit, quelque part dans Lyon, comme tant d’autres. Quand j’attends des nouvelles des évacués, et que j’apprends l’horreur.

Quand partout, sur notre Terre, l’humanité se meurt.

Alors moi l’athée, la cartésienne, la française moyenne, je prie. Je pleure et je prie.

Priez avec moi. S’il vous plaît.

pray

 

Quand je ne réalise pas

lacher-prise-avec-la-passe

Je vous racontais il y a quelques jours comment Perle affronte vaillamment ses démons, pour être « normale ».

Mais j’ai le doute et l’angoisse chevillés au cœur depuis si longtemps, que je n’arrive pas à relâcher ma vigilance. Tout le temps, trop fort.

Quand je la dépose à son travail, au centre équestre, et que je la suis du regard, discrètement dans le rétroviseur, pour être sûre qu’elle y va bien. Quand mon doute est persuadé qu’elle va se planquer quelque part, et m’attendre jusqu’au soir.

Quand je la récupère le soir, et que de loin, je guette déjà les signes de l’angoisse ou de la tristesse sur son visage.

Quand j’interprète chacun de ses silences comme un mal-être. 

Quand je provoque la discussion au sujet de l’internat et que je devine (imagine ?) sa panique.

Quand, lors des entraînements de foot, je reste toujours auprès d’elle, répondant pour elle à ses co-équipières, détournant son attention, pour la détendre.

Mais a-t’elle encore besoin de mes remparts ? A-t’elle encore besoin de mon bouclier, de ma voix, de mes bras, à chacun de ses pas ?

Quand elle est debout dès l’aube, prête bien avant l’heure, dévorant chaque repas, tellement le travail physique la stimule.

Quand elle rentre le soir, percluse de fatigue, recouverte de poussière et de graisse à sellerie.

Quand elle raconte, un peu, les bêtises des chevaux.

Quand elle devient acharnée, obstinée, sur le terrain vert, alors que ses jambes ne la portent plus et que son souffle est trop court.

Quand je la vois prendre, un peu, de distance avec moi devant ses co-équipières. Quand, de loin, je la vois répondre aux conversations des filles.

Quand elle s’applique pour ses devoirs scolaires, les effectuant de bon cœur.

Quand elle parle de son retour à l’internat, lundi prochain, avec crainte mais pas trop quand même.

Quand je la trouve encore grandie, que son mètre soixante-dix me semble gigantesque, parce que maintenant son visage n’est plus jamais caché derrière ses cheveux.

Mais je ne réalise toujours pas. 8 ans de cauchemars collés à ma peau. 8 ans à affronter le monde pour elle, à la cacher derrière moi, à avancer à reculons, pesant chacun de mes mots, de mes regards, pour ne pas exacerber encore plus son angoisse.

8 ans où chaque semblant d’avancée est balayé par un recul violent.

Il va falloir que je baisse les armes, que je lâche prise. Que je lui lâche la main. 

Il va bien falloir, hein. Mais bon sang, qu’est-ce que ça fait peur.

Alors, la vie a repris ses droits

Alors que le goût d’écrire m’avait quitté depuis bien longtemps, il me vient à nouveau comme une envie de vous dire, de vous raconter, vous qui avez suivi son histoire depuis le début, lorsque chacune de mes respirations n’était que cri de souffrance et de désespoir.

C’est bien sûr de mon doux, mon tendre, mon incroyable Amour que je parle. Ma Perle. En début d’année, sa vie était sur pause depuis quelques mois déjà, suite à notre décision de la retirer du collège.

J’avais choisi d’arrêter mon activité professionnelle pour me consacrer à ses études. Mais pas évident, je me suis retrouvée coincée dans mes habitudes de mère au foyer, courant amener un enfant par-là, en chercher un(e) autre par-ci, tout en essayant de monter une activité auto-entreprenariale, histoire de m’occuper un peu plus.

Alors, Perle est restée, sur son canapé, devant ses dessins, sagement, sans mot dire, comme elle sait si bien le faire.

Et je l’ai un peu oubliée. Elle était là, je savais toujours où la trouver, pour un câlin, une sortie, un besoin. Mon activité prenait de l’ampleur, ma santé défaillait et je l’ai « zappée ».

Et un jour, elle s’est rebellée. Et a dit en avoir assez d’être la seule enfant à rester à la maison, sans activité, sans rien à raconter le soir, lors du repas. A écouter ses soeurs et frère raconter leurs journées, à les voir partir chaque matin vers de nouvelles aventures.

Et alors elle m’a dit : je veux retourner à l’école. Moi aussi, je veux être normale.

Coup de tonnerre dans mon petit monde bien rangé.

Alors, on a cherché. Et rapidement, on a trouvé. Grâce à son attirance pour le monde agricole, on a très vite déniché une structure qui propose un cycle de formation pour nos futurs agriculteurs.

Et une nouvelle bataille a commencé. Réussir à inscrire une ado désco, c’est pas simple. Il aura fallu s’accrocher jusqu’à fin juillet, où enfin, nous avons reçu son attestation d’inscription. En MFR, en 4ème agricole. 

Alors il a fallu remuer ciel et terre pour lui trouver des lieux de stage.

Et le 5 septembre 2016, à 14h, Perle a repris le chemin de l’école. Avec sa valise et ses angoisses, accompagnée par son papa, car ma panique a gagné et empêché de l’escorter.

Cette première semaine d’école a été cauchemardesque et extra-ordinaire à la fois : Perle a résisté les deux premiers jours jusqu’à s’effondrer et sombrer dans l’angoisse. Mais nous avons alors découvert à quel point l’ensemble des encadrants de son école sont bienveillants. Ils l’ont soutenue, encore et encore. Tirée vers le haut, toujours. Encouragée, complimentée, jamais abandonnée. Ils nous ont appelé, des heures durant, jour et nuit. Questionnés pour connaître au mieux notre fille. Et ça a payé. 

Après avoir touché le fond mercredi, jeudi midi Perle a rebondi de façon spectaculaire et a terminé sa semaine sans nouvelle crise de panique.

Et vendredi, j’étais bien trop en avance pour récupérer ma battante. Le coeur tremblant et les mains moites.

Et là, encore, une nouvelle victoire. Quand ses intervenants viennent à moi, souriants. Fiers de Perle, dédramatisant la semaine, en lui réitérant leur soutien et leur confiance.

Quand ils me disent que scolairement, elle dépote ! Quand leur calme et leur assurance me paraissent miel et douceur sur mes angoisses.

Et déjà, j’aperçois un changement flagrant sur ma fille : elle est droite et souriante, parle à haute et claire voix.

Et continue ses progrès, en intégrant une équipe de foot féminin, disputant ses premiers matchs, avec obstination et courage, malgré les défaites cuisantes. Je la vois vivante et vibrante.

Et ce matin, une nouvelle étape encore. Je l’ai déposée dans un centre équestre, où elle va effectuer 8 semaines de stage. Où elle va pouvoir combler son besoin d’être au contact des animaux.

Comme j’ai hâte qu’elle me raconte. Comme j’ai hâte de savourer son sourire et ses yeux qui pétillent. 

Je me gave de ses rires, de ses anecdotes gloussantes au sujet des garçons à l’école. 

Sa vie vient de (re)commencer, et cette fois, je ne la laisserai pas s’arrêter.

to be continued ….

 

 

Et ma vie a changé.

Inactive. Au chômage. Sans travail. Au foyer. Glandeuse.

La liste est longue de termes qui pourraient définir ma vie actuelle.
Seulement, je les refuse. Je les barre, les biffe, les raye, les rature, les efface.

Je ne suis pas inactive, oh non. J’ai, certes, cessé d’exercer une activité professionnelle salariée. Quoique..

Je suis au chômage. Bah oui. Mais je considère plutôt cette allocation mensuelle comme une rétribution à mon activité bénévole de professeur des Collèges. A plein temps.

Sans travail. Même pas vrai. Rapport à mon activité bénévole de prof particulière de ma fille. Rapport aux différents petits jobs que j’ai déjà retrouvés, et qui mettent un peu de beurre dans nos pâtes.

Au foyer. Ah oui, ok. Trop d’ailleurs. J’aime pô ça être à la maison. 24H/24 ou presque. A enchainer les corvées ménagères, tout en préparant les cours de Perle. Ne plus avoir de vie « rien qu’à moi », avec « mes » collègues, « mes » potins, « mes » heures de boulot….

Glandeuse. On a vu précédemment que non, hein.

D’ailleurs, je suis aussi « chercheuse ». A Pôle Emploi. Et ça commence à se savoir, les propositions de jobs arrivent. Je vais pouvoir, si je veux, avoir de nouveau une vie « extra-muros », autre qu’aller briquer les sols de « mes petites mamies ».

Mais voilà, ma vie a bien changé depuis le 1er Janvier de cette année toute neuve.
Faut que je trouve un rythme, un vrai, qui me plaise et me convienne. Qui ne perturbe pas trop la Tribu. Qui l’arrange.
C’est un peu compliqué tout ça. Difficile pour moi de faire le deuil de mon travail, que j’aimais tant. De ne plus côtoyer une équipe incroyable, qui m’a enrichit de tant de façons.

En plus on a arrêté de fumer, Monsieur Mon Mari et moi… Rapport au fait que j’ai plus de boulot, donc moins de pesetas.
Je suis donc présentement une limace sous ecstasy, avec un cerveau en marmelade, un appétit de femme enceinte (et les kilos qui s’invitent d’ailleurs) et une susceptibilité de compêt’.

zzz

Mais sinon, ça va hein… Enfin, ça va aller… Bientôt.